23/04/2010

"Nous sommes transportés dans une autre dimension, une dimension faite non seulement de paysages et de sons, mais aussi d’esprits"

Actuellement se joue une véritable révolution avec la 3D. Que l'on soit pour ou contre, le fait est que nous nous dirigeons vers une généralisation de ce procédé, qu'on le veuille ou non.
Tout d'abord, il convient de distinguer deux types d'image : le "fond" de l'image 3D, quand les personnages sont au niveau de l'écran et qu'une impression de profondeur se dégage de l'image, et l'"effet" 3D qui correspond au surgissement d'un objet entre l'écran et le spectateur.
Comment fonctionne la 3D? Le principe est de leurrer la vision stéréoscopique de l'œil humain en proposant une image différente pour chaque œil. Il existe plusieurs procédés pour y parvenir :
D'abord, la projection d'anaglyphes : on décompose deux images par leurs couleurs, avec un verre par œil, et donc une couleur par œil. L'inconvénient de cette méthode est la perte colorimétrique qui en découle.
Ensuite, une des méthodes utilisées aujourd'hui, la projection polarisée : un peu de physique pour comprendre. La lumière est composée de photons. Ces derniers sont de quatre types différents selon leur direction (pour faire simple par ondes horizontales, ondes verticales, ondes spiraliques trigonométriques [sens inverse des aiguilles d'une montre] et ondes spiraliques anti-trigonométriques [sens des aiguilles d'une montre]). Dans le cas d'une projection en trois dimensions, les lunettes serviront de filtre avec des verres laissant passer un seul type de photons (spiraliques en général), faisant donc voir une image différente à chaque œil.
Enfin, autre méthode utilisée couramment mais moins moins répandue pour son coup plus élevé, la projection alternée : un projecteur numérique projette 144 images par seconde, soit 72 pour l'œil droit et 72 pour l'œil gauche, chacune de ces images différant légèrement pour chaque œil. Les lunettes à cristaux liquides sont synchronisées au projecteur par un boitier qui obscurcit les verres alternativement afin que deux images différentes soient perçues, créant ainsi l'effet 3D.
Historiquement, l'idée de la représentation en relief existait bien avant l'invention du cinéma avec les anaglyphes d'un côté et les stéréoscopes de l'autre. Les premières projections de films en trois dimensions datent des années 10 et 20. On note une montée en flèche de ces productions dans les années 50 à cause de la crise des studios (en particulier à cause de l'arrivée de la télévision) qui cherchent à proposer des nouveautés aux spectateurs pour les faire revenir au cinéma. Cependant ces tentatives sont des échecs : les films sont de piètre qualité, les scores en salles sont décevants, de nombreux problèmes techniques se posent (besoin de deux caméras au tournage par exemple), les coûts d'équipement des salles sont très élevés et un autre format spectaculaire remporte l'adhésion du public, le Cinémascope.
Nous manquons encore de distance pour comprendre ce qui fait aujourd'hui revenir la 3D sur le devant de la scène. Le succès du Avatar de James Cameron y est sans doute pour quelque chose, ayant été pensé pour être tourné selon ce procédé visuel. Ce retour est peut-être aussi dû au spectateur moderne qui connait les codes du cinéma sur le bout des doigts et s'en lasse d'une certaine manière. En effet, en cette ère de post-modernisme, le cinéma se construit en relation à son propre passé. C'est un cinéma de la citation, de la reconstruction. Le spectateur contemporain a besoin de nouveauté, ce que lui apporte la 3D. Enfin, il est à noter que nous sommes aujourd'hui dans une recherche non pas de réalité (ce que cherchait le cinéma des années 30, et on pourrait penser que la 3D s'approche d'une représentation réaliste du monde) mais du spectaculaire. L'effet de profondeur apporté par la technologie 3D ne fait rien d'autre que spectaculariser plus encore un film. Ainsi, pour le moment, elle est réservée aux blockbusters et est un argument de vente, mais le spectateur s'habituant à ce nouvel artifice va penser le cinéma différemment, à commencer par "tiens, cette scène aurait été mieux en 3D". Ce nouveau procédé va changer le comportement et les attentes du spectateur. Ainsi, c'est le spectateur qui va se faire à la 3D, comme cela fut le cas avec l'arrivée de la couleur en 1932. Reste tout de même à la 3D de résoudre certains problèmes tels que les soucis dus à la profondeur de champ (l'intrusion d'un objet au premier plan sera plus flou que le reste de l'image), ceux des limites du cadre (un objet sortant de l'écran et un cadrage qui remonte fera disparaitre d'un coup cet objet), des effets de faux-raccords lors des scènes d'action, et les problèmes de santé rencontrés par certains. Cela dit, il n'est pas à douter que le spectateur s'y habituera, reste au cinéma lui-même d'inventer une nouvelle scénographie, une nouvelle grammaire, voir un "nouveau cinéma" afin de faire que la 3D ne soit plus un simple artifice esthétisant mais une nouvelle possibilité de faire du cinéma.

Aucun commentaire: