09/02/2008

Avant Kiss Cool, il y a eu Koulechov

J'imagine qu'au visionnage on ne comprend pas grand chose...attendez, ça va venir!

Cette vidéo est l'expérience d'un cinéaste soviétique nommé Lev Koulechov, et qui date de 1922. Cet homme était le directeur du VIGK, l'Institut fédéral d'État du Cinéma soviétique. Inutile de vous rappeler (à part pour les nuls en histoire) qu'à cette époque l'URSS est dirigée par...disons par un dictateur pour que le choses soient claires. J'en entends déjà penser que la dictature c'est mal, ce qui est bien pensant mais également d'une banalité crasse. Chercher à tout contrôler aura permi au cinéma d'évoluer. En effet, c'est en URSS qu'est née une certaine conception du montage, le montage "discursif".

En gros c'est dans l'enchaînement des plans que se crée la signification. La façon de juxtaposer tel et tel plan va créer un discours. Pour preuve la vidéo ci-dessus qui illustre ce que l'on appelle "l'effet Koulechov".
Koulechov adopte une méthode scientifique pour prouver que le montage a une propension discursive. Pour cela, il filme en gros plan l'acteur Mosjoukine (qui n'est passé à la postérité que grâce à cette expérience, à ce qui se dit c'était un très mauvais acteur, mais certains disent aussi que Depardieu est très bon, alors il faut se méfier des jugements de ce genre). Vous remarquerez que cet acteur a un faciès particulièrement inexpressif. Koulechov fait trois tirages de ce plan et y fait précéder différents plans : une assiette de soupe, un cadavre dans un cercueil, et une femme allongée sur un divan (comme ça tout le monde est content et toutes les pulsions comblées). Après visionnage, les spectateurs tests sont invités à décrire l'expression de l'acteur pour chaque plan. Dans le premier cas ils perçoivent la faim, dans le second le chagrin, et dans le dernier le désir. Ces sentiments ne sont pourtant pas exprimés par l'acteur (dont personne ne se souvient du nom de toute façon), ce qui prouve bien que le spectateur interprète les images dans leur succession et non indépendamment les une des autres. Il existe bien un langage crée par le montage.

Cette conception est née en URSS pour les raisons évoquées précédemment, à savoir la politisation des arts au profit du parti. Un excellent exemple en est Le Cuirrassé Potemkine d'Einsenstein, ou bien L'homme à la caméra de Vertov (du moins les plus accessibles). En Amérique et dans le reste de l'Europe (à cette époque du moins), le montage est dans une logique totalement narrative, il n'y a qu'à voir un western classique pour s'en rendre compte. Raconter une histoire plutôt que commenter l'histoire dans la manière de faire. Aujourd'hui ces deux conceptions font partie intégrante de la façon de faire des films, même si certains théoriciens continuent à mener cette guerre du montage entre discours et narration.