30/12/2007

Be Movie!


La plupart des sorties de Noël sont là pour nous faire passer un bon moment, saisissant l'occasion des vacances scolaires pour tenter d'engranger des entrées. Un des mes profs appelait ça « la Walt Disniaiserie de Noël ». C'est dans cet état d'esprit qu'on va voir Bee Movie, film d'animation de Simon J. Smith (qui a participé à l'aventure Shrek, notamment pour les bonus des éditions DVD, dont le très bon Shrek 4D) et Steve Hickner. L'histoire est celle de Barry, une jeune abeille diplômée à col roulé, qui va découvrir que le même métier lui est réservé pour toute sa vie, alors que lui a envie de découvrir le monde. Il aura le privilège de sortir de la ruche et de parler aux humains, en particulier à Vanessa, une fleuriste. Mais cet état de grâce prendra fin quand il découvrira que le miel pour lequel les abeilles travaillent si dur est revendu par les humains sans le consentement de leurs créateurs, j'ai nommé lesdites abeilles. On est surpris de se rendre compte qu'au lieu du simple divertissement auquel on s'attendait, on se retrouve quelque chose de beaucoup plus compliqué.

Digne héritier de la tradition des films d'animation Dreamworks, Bee Movie fait la part belle à la parodie et au non sens, mais avec une touche bien plus originale que ses confrères "films insectes", tels Mille et une pattes ou Fourmiz. Une histoire qui sort des sentiers battus par rapport au schéma classique de la conquête du monde extérieur qui ramènera le personnage principal dans la communauté et lui fera changer son sort dans le microcosme du monde des insectes. En effet, ici, l'abeille ne finira pas dans la ruche mais dans le monde des humains, en cherchant à améliorer les relations entre humains et animaux, devenant avocat de la cause animale face aux exploiteurs humains. On passe du film microscopique au film macroscopique, évitant tous les poncifs qui vont de la rigidité de la communauté à l'histoire d'amour impossible.

En effet, on s'attendrait à ce que la ruche prenne mal les escapades de Barry, le fait qu'il ne travaille pas, ou qu'il transgresse une règle aussi fondamentale que de ne pas parler aux humains, or il n'en est rien. Tous ces clichés là sont évacués et évitent ainsi une histoire trop linéaire aux couleurs de rite iniatique. Bien que l'histoire n'atteigne pas non plus des sommets d'originalité, elle a au moins le mérite d'éviter les sentiers battus et d'aller explorer des chemins pavés d'improbabilité ô combien drôles, comme la scène de dîner entre Barry et Vanessa. Autre preuve de cette originalité, la façon de filmer les déplacements des abeilles qui relèvent de la virtuosité et qui, en plus de détacher du microcosme insectoïde, confère un sentiment de liberté qu'il nous est difficle de laisser derrière soi en quittant la salle.

Enfin, qui dit film d'animation Dreamworks dit nécessairement parodie. On retrouve des caricatures de stars américaines pour lesquelles les originaux prêtent leur voix, comme Ray Liotta ou Sting, dont la seule présence, tirée par les cheveux à souhait, suffit à faire rire. L'apparition d'une abeille qui présente un talk show et qui s'appelle Bee Larry King (à laquelle Larry King lui-même prête sa voix) est elle aussi hilarante : Barry va l'interrompre toute l'émission en insistant sur sa ressemblance avec un animateur humain qui s'appelle lui aussi Larry King, qui fait lui aussi des grimaces et porte les mêmes vêtements. Références qui, bien que très insistantes (et c'est ce qui les rend si drôles), seront sûrement difficilement compréhensibles par les plus jeunes qui se contenteront de les trouver amusantes, n'ayant pas accès à tout leur potentiel comique faute de références.

Bee Movie est donc beaucoup plus qu'un simple divertissement de Noël. Il ne recycle pas le film d'animation, d'ailleurs peut-on le ranger avec les autres? Il serait plus judicieux de le considérer à part, puisqu'écrit par un comique (Jerry Seinfeld) et non par un auteur d'Hollywood. On en ressent d'ailleurs toute la fraîcheur et l'originalité, tant dans la façon de traiter les personnages que l'histoire, et surtout par les dialogues qui sont indéniablement l'oeuvre de Seinfeld. Bee Movie n'est donc pas un film d'animation classique, ni même une révolution de ce dernier (comme l'avait été Shrek), c'est un film à part sur lequel on sent planer l'ombre de son créateur et sa volonté de faire sa propre histoire, plus proche d'un film-spectacle (au sens « show) pour spectateurs expérimentés que du film d'animation pour enfant.