21/10/2007

Coca-Cola Zero : what else?

Il y a peu j'ai essayé de convaincre un ami que les images, et en particulier la publicité, avaient un impact sur notre consommation. Après tout, si ce n'était pas le cas, il n'y aurait pas autant de designers, publicitaires, conseillers en communication, et j'en passe. A force d'argumenter, j'en suis venu à vouloir lui montrer directement ce qu'on ne voit pas au premier regard (ou même qu'on ne voit jamais) mais que nous percevons sans doute inconsciemment, et pour se faire j'ai choisi d'analyser la publicité pour le Coca-Cola Zero, publicité que je trouve fascinante de clarté. En effet, qui peut, en la voyant, ne pas comprendre qu'il s'agit d'un produit destiné aux hommes? De plus, s'agissant de Coca-Cola, il est également évident que l'accent est très fortement mis sur la marque et sur le produit.

Penchons-nous d'abord sur le produit lui-même. Le Coca-Cola Zero est un Coca sans sucre, comme le Light, à la différence que la formule a été modifiée pour masquer le goût de l'aspartame (remplaçant le sucre). Officiellement, le soft est conçu pour les jeunes hommes de 16 à 24 ans (qui, précise le communiqué « veulent prendre soin d'eux, se faire plaisir, sans effort et sans se priver des bonnes choses de la vie »). Le pendant en quelque sorte du Coca-Cola Light, lancé il y a dix-huit ans à destination des femmes de 25 à 35 ans. La publicité a donc pour objectif de promouvoir un produit particulier et nouveau auprès d' une cible prédéfinie, en insistant sur le fait que le Coca-Cola Zero est un produit pour les jeunes hommes dynamiques, et que, réciproquement, pour être un jeune homme dynamique il faut boire du Coca-Cola Zero.

La marque est omniprésente tout au long de la publicité, jusqu'à créer elle même un certain rythme. Le spot commence sur un homme à côté d'un présentoir de bouteilles Coca-Cola. Nous avons donc dès la première image nos deux cibles qui co-existent dans le plan et qui sont complémentaires, l'un n'allant pas sans l'autre : le Coca-Cola Zero et le jeune homme plein d'avenir. Les bouteilles dans le présentoir sont empilées en rangs verticaux, motif qui sera récurrent tout au long de la publicité, démultipliant sans cesse cette première image et faisant correspondre la verticalité et le cloisonnement à la boisson. On retrouve ensuite l'image de la bouteille sur des tableaux au mur rayé gris clair et gris foncé. Les tableaux sont sur les rayures plus foncées. Les autres rayures ont, elles, une couleur plus claire faisant penser au gris de la canette de Coca-Cola Light. Il y a donc une différence suggérée entre le Light et le Zero, ne serait-ce que par cette nuance de couleur : ce n'est pas le même produit. On retrouve des bouteilles également dans les mains de la foule qui lève les bras en l'air après l'épisode de la sonnerie de portable. La foule s'emplifiant au fil du spot, le produit a donc un effet fédérateur. Tout le monde en boit (on voit même quelques femmes dans cette foule) et il rassemble certains types de personnes. Donc pour faire partie de cette communauté jeune et pleine d'avenir, il suffit d'adopter son signe de reconnaissance, en l'occurence boire du Coca-Cola.

Qui la compose cette communauté? On l'a dit, la cible est affichée dès le début de la publicité, mais aussi dans le communiqué de Coca-Cola. Il s'agit des jeunes hommes de 16-24 ans profitant de la vie et la maîtrisant puisqu'ils incarnent l'avenir. Rien à voir avec le Coca-Cola Light destiné aux femmes de 25-35 ans. Ainsi, tout va être mis en oeuvre pour différencier ces deux produits, à commencer par la bouteille elle-même. L'étiquette du Coca-Cola Zero est noire et blanche, plus masculine que le gris clair du Light. La typo est aussi plus simple, plus « brute » et anguleuse que les fioritures et les courbes de la boisson féminine. La bouteille elle-même n'a pas la même forme, elle est plus profilée et simple que sa consoeur light. Enfin, sous le logo de la marque on peut voir une représentation urbaine avec plusieurs palmiers (en noir et blanc) rappelant que le monde d'aujourd'hui est une jungle dans laquelle nous devons lutter (grâce au Coca notamment) contrairement aux illusions plus féminines avec ses courbes invitant à la rêverie et à la simplicité.

Puisque le produit est destiné aux « mâles », ce sont eux qui vont être représentés physiquement mais aussi plus implicitement dans la publicité. En effet, les hommes sont omniprésents dans le spot. Ce sont eux qu'on voit le plus, même s'il faut concéder quelques apparitions féminines (dans la foule ou en profondeur de champ), sans doute pour éviter qu'on ne considère la marque comme étant mysogine. Toute la publicité décline les avantages qu'il y aurait à vivre dans un monde où les contraintes seraient aussi présentes que le sucre dans le Coca-Cola Zero. Or la plupart de ces avantages sont des déclinaison de clichés typiquement masculins : la difficulté d'ouvrir les agrafes des soutien-gorge, les projets de mariage des femmes, les surnoms maternels ridicules, etc... Ainsi, la place de la femme est remise en cause. Les clichés énumérés ne concernent qu'elles et ce que les hommes souhaiteraient qu'elles fassent pour vivre dans un monde parfait. L'homme vit ici dans un monde où le Coca-Cola est partout, mais c'est un monde qu'il maîtrise totalement et où il vit selon ses propres règles. En clair, avec le Coca-Cola Zero, l'homme reprend sa place de dominant dans la jungle urbaine. Ainsi le personnage que nous suivons pendant toute la durée de la publicité commence à marcher en s'insérant dans un plan où il était absent. Il est d'ailleurs intéressant de noter qu'avant qu'il n'entre dans l'espace filmique, les personnes présentes dans le plan étaient deux femmes. Le personnage vient s'insérer au premier plan, prenant la place des deux femmes, ce qui est logique puisque nous ne sommes pas dans une publicité pour du Coca-Cola Light mais pour un nouveau typiquement masculin. Une fois cette intrusion effective, c'est l'homme qui maîtrise tout, il recréé le monde comme dit précédemment, à commencer par la maîtrise du plan. En effet, la plupart des effets de caméra sont des travellings d'accompagnement, focalisant l'attention sur le personnage principal, preuve que ce dernier maîtrise tout, y compris l'espace. C'est la raison pour laquelle il ne se cognera pas contre le poteau, contrairement à un autre qui avance un avantage qui n'est pas typiquement masculin (« des vacances avec zéro galère »), celui-ci n'ayant pas compris la dimension d'émancipation que permet le Coca-Cola Zero. Enfin il faut noter le dernier plan montrant le personnage de trois quart dos à contre-jour, image classique de la maîtrise de l'espace à l'image du cow-boy, le Coca-Cola remplaçant le révolver.

A ce sujet enfin, il serait difficile de passer sous silence la référence phallique que contiennent ces objets, références on ne peut plus exploitées dans cette publicité. On l'a dit dès le premier plan, il y a une grande insistance sur la verticalité dans le spot. Cette verticalité renvoie au motif de la bouteille de Coca-Cola, mais a aussi un sous entendu phallique évident. Ainsi l'architecture elle-même renforce la présence masculine et le lien entre le produit et le fait d'être un homme puissant. C'est le cas des motifs sur les murs (rayures grises) qui sont répétés un nombre incroyable de fois, à chaque fois plus imposants. Le passage piéton et les vitres produisent ce même signifié, en ajoutant une identification par le fait que la foule y est reflétée, confortant ainsi l'idée que les vrais hommes sont bien ceux que nous voyons, ceux qui boivent du Coca-Cola Zero. Si l'homme que nous avons évoqué tout à l'heure se cogne contre le poteau, c'est aussi parce qu'il porte une chemise avec ces mêmes rayures verticales ; il prétend à la verticalité là où les autres sont la verticalité par leur attitude (qui plus est cet homme tire une valise et est en déplacement, c'est donc un nomade, alors que le vrai homme d'aujourd'hui est sédentaire et urbain, ce qui explique aussi sa maîtrise de cet espace vertical), ce qui explique qu'eux ne se heurteront pas à ce symbole phallique. Les cravates elles-même, en plus de renvoyer à l'homme d'affaire moderne, renforcent la verticalité et sont donc des symboles phalliques (la raison d'être de la cravate est de mettre l'accent et de pointer vers les parties génitales. Donc un petit conseil, n'écoutez jamais un homme d'affaire qui porte un noeud papillon, quelqu'un qui met l'accent sur ses oreilles ne peut pas être sérieux). Enfin, la grande tour rayée filmée en contre-plongée (qui renforce sa taille imposante) est le signe le plus criant de masculinité. Elle contient à elle-seule le message de la publicité : cette tour, figure phallique par excellence, est recouverte par une affiche du produit, finalisant le processus d'identification, à savoir que le Coca-Cola Zero est fait pour les hommes et que ceux qui veulent être des hommes boivent du Coca-Cola Zero.


NB : La version anglaise de la publicité présente trois différences notables par rapport au spot français, à savoir : un raccord dans l'axe instaurant un plus gros plan du personnage principal avant que celui-ci ne commence à marcher et qui met l'accent sur le plaisir ressenti grâce au produit, l'arrivée de l'homme à la cravatte rouge (avec au premier plan un scooter avec un sticker Coca-Cola), et enfin l'absence de voix au téléphone puisque le ridicule de la situation est mis sur la sonnerie (l'explication étant culturelle : il est moins ridicule d'avoir un chant de coq comme sonnerie en France qu'en Angleterre).
A noter également que je n'ai pas réussi à interpréter l'arrêt au passage piéton et l'utilisation du split screen au même moment, si vous avez des pistes, n'hésitez pas à laisser vos commentaires!

07/10/2007

Avant tout, je tiens à vous souhaiter la bienvenue sur ce blog!

Oui je sais, "encore un qui se croit assez intéressant pour créer son propre espace personnel!". Eh bien...heu...oui en fait...à ceci près que cet espace ne va pas me servir à raconter ma vie (donc vous pourrez y revenir), mon psy me l'a de toute façon déconseillé. Non, ce blog est un prétexte pour me faire travailler, ou du moins rester dans le bain de mes études afin de ne pas rouiller. J'espère qu'il me motivera et me contraindra à écrire sur le cinéma, critiques, analyses, et autres réflexions en tous genres sur l'image. Qui plus est, il permettra aussi de véhiculer différentes idées dans l'espoir de créer un dialogue entre les lecteurs qui souhaitent partager eux aussi leur vision du cinéma, ou tout simplement qui s'intéressent à cet art d'un point de vue plus théorique et analytique que ce dont nous sommes habitués en tant que cinéphiles lambdas. C'est pourquoi je vous invite à laisser vos commentaires (ne soyez pas timides, personne ne sait qui vous êtes, et quand bien même tout le monde s'en fout) et éventuelles suggestions, pour le blog ou pour une étude de film (ou de scène). En espérant que j'arriverai à être constant...bonne lecture (et bon visionnage)!